Bonjour à tous,
pour changer, voilà un reportage complet sur la forge d'une lame, depuis la coupe du ressort jusqu'au couteau fini avec manche. On a posé l'appareil sur trépied pour faire des photos à intervalle régulier. Ceci fera l'objet d'une vidéo stopmotion...quand j'aurai le temps.
allez, bon apprentissage!
Tout d'abord on coupe un rectangle de taille adaptée (environ 1/3 ou 1/4 de la longueur de la lame finie).
Evidemment dans la philosophie d'Ong Kin la disqueuse est interdite! Je coupe donc au burin, sauf exceptions (ressorts circulaires qui ne rentrent pas dans la forge, ou bien ressorts trop larges).
Tout seul je coupe au tranchet, mais le mieux/moins dangereux/plus précis est de travailler à deux, une personne tenant le ressort et l'autre tenant le burin et le marteau.
Voilà le resultat : 4 coupes, qui correspondent à deux couteaux de taille moyenne + deux couteaux de grande taille. C'est le morceau le plus petit qui nous intéresse aujourd'hui, pour forger un couteau d'environ 25cm de long.
quelques coups de marteau bien placés, permettent d'exploiter la "faille" de la coupure, qui va ainsi casser l'acier exactement suivant la ligne de coupe même si celle ci n'est profonde que du tiers de l'épaisseur.
Etant adepte à 100% de cette coupe au burin (je n'aime pas la disqueuse, c'est dangereux, bruyant et ça pue), c'est pourquoi je tenais absolument à avoir une enclume disposant d'une "table" surélevée, puisque on utilise ce côté pour casser/couper.
Et voilà, deux petits morceaux de lame de ressort.
Ce rectangle, il faut tout d'abord l'épaissir un peu sur chaque côté, ce qui permet aussi de l'égaliser sur toute sa longueur.
Le rectangle obtenu, je forge maintenant le ricasso, en tenant le rectangle à 45° sur un rebord de l'enclume et en tapant sur le haut du dos.
Le ricasso est amorcé,
il faut maintenant tenir le couteau par le manche, et former la pointe.
A chaque coup sur la tranche (dos) du couteau, doit suivre un contre-coup sur le plat du couteau pour compenser les déformations permanentes.
ça commence déjà à ressembler à un couteau.
Maintenant, je tiens le manche par le côté, et je tape exactement dans l'axe de la lame, pour élargir la lame. (ceci est du au "sens" de mon marteau vietnamien)
Maintenant, je commence à allonger la lame, cette fois en la tenant dans l'axe et en tapant exactement perpendiculairement à cet axe.
a la moindre déformation, il faut immédiatement compenser sur le dos ou le tranchant pour corriger; sinon, la moindre erreur se répercutera par la suite.
Je commence à dégager le manche, et à l'allonger.
Puis, je tape dans l'axe et... je tourne cet axe, pour élargir uniquement la fin du manche.
Ce qui me permet d'avoir la base du manche plus large que le reste du manche et une épaisseur plus fine en bout de manche (donc un meilleur équilibre)
De nouveau, j'allonge la lame.
Le secret, c'est de lever le poignet au fur et à mesure que la lame recule sur l'enclume (comme vous remarquez sur les photos, le marteau tape toujours au même endroit, c'est la lame qui avance et recule)
On utilise uniquement le côté pointu du marteau.
le côté plat, ne sert que à aplanir et corriger dos et tranchant.
Ici, je fais l'émouture au marteau mais on n'a pas de photos. L'émouture se fait en tenant la lame avec un angle d'environ 20° sur un coté de l'enclume , et en tapant avec le marteau avec le même angle.
Quand on fait une émouture marteau, la pointe remonte car la matiere du "bas" de la lame pousse la matière du haut.
Il faut donc anticiper, et faire un dos légèrement courbé vers le bas, afin que ce dos remonte et se mette droit lors de l'émouture.
Dernières corrections, puis...
Il s'agit d'aplanir la lame. L'aplatir, l'aplanir, la redresser, etc.
A ce stade, le couteau est presque fini, et déjà très fin (sur celui ci, 1,5mm sur le dos mais pour les lames à poisson c'est moins). La moindre erreur d'axe ou d'angle, côté marteau ou côté pince, sabote tout.
Une fois que la lame est corrigée, rectifiée,
c'est le poinçonnage; Evidemment on poinçonne normalement après l'émouture backstand...
mais comme je ne ponce jamais le haut de mes couteaux, je peux me permettre de le faire à ce stade.
Le poinçonnage ne pardonne pas. Un seul coup de marteau bien dans l'axe. si c'est raté, c'est à jeter.
Et voilà le resultat, comparé avec le morceau d'origine.
Dans ce cas, c'est un couteau de cuisine standard. Dans le cas d'un couteau à poisson, il aurait probablement été 1/3 plus long, voire plus.
Plus on forge de lames fines, plus il faut aller vite à la forge, pour ne pas les décarburer (les bruler).
Suivant ce que m'a enseigné Ong Kin,
"n'allume pas la forge si tu ne forges pas au moins 3 lames à la fois".
Comme vous l'avez compris, je suis ses préceptes à la lettre..;
ensuite, c'est le recuit : je chauffe la lame vers 800° et je la laisse refroidir très lentement dans la forge éteinte et fermée, pour plusieurs heures. Le but est de compenser les déformations internes et stress de l'acier.
Je peux maintenant faire l'émouture backstand. Il y a peu de matière a enlever,
car cela correspond plus à l'enseignement d' Ong Kin : marteler au maximum, poncer au minimum, efficacité maximum.
De toute façon je m'entends très mal avec les machines.
C'est un couteau de cuisine, donc pas de guillochage, mais on a fait des photos du guillochage d'un autre couteau pour vous montrer.
Cela se fait à la lime, avant ou après la trempe.
Ce matin là, j'avais sept couteaux à tremper. Trempe sélective à l'eau...pas de casse pour cette fois.
Les casses peuvent arriver pour diverses raisons : mauvais martelage, martelage asymétrique, mauvaise gestion du temps de trempe et du temps de "revenu" à la trempe, etc.
Apres trois normalisations (trois chauffes et refroidissements successifs), c'est la trempe.
Environ 850°, je trempe brièvement juste le tranchant.comme les lames sont toutes courbées (cuisine), il faut tremper de manière à ce que la ligne de trempe soit la meme sur toute la courbure.
La trempe est immédiate (selon épaisseur de la lame), les étapes suivantes ne sont que le "revenu" et le refroidissement progressif de la lame.
Il faut ensuite sortir la lame, observer la chaleur de la lame "revenir" sur le tranchant, sans qu'elle dépasse 200° sur le tranchant. Le cas échant, replonger le tranchant régulièrement mais très brièvement, juste pour que celui ci ne depasse pas la température souhaitée.
Comme le dos de la lame est encore chaud, il peut "encaisser" la déformation de la partie trempée, évitant ainsi la casse (tapures).
C'est à ce moment que l'on regarde si la lame s'est voilée ou courbée (signe d'une forge asymétrique , entre autres). Il faut alors marteler le dos de la lame à des endroits stratégiques, (lorsqu'il est encore chaud) tout en surveillant que le tranchant ne se réchauffe pas trop (risque de détrempe).
Il faut donc alterner observation, refroidissement régulier du tranchant trempé, martelage de la partie non trempée, etc. Plus la lame est large est fine, plus c'est délicat.
Dans la plupart des cas, il n'y a pas trop de déformations si l'on a bien géré le mouvement et temps de trempe "originel".
Cette trempe sélective sans argile et avec "revenu intégré", que j'ai apprise en observant Ong Kin (il ne m'a jamais appris à tremper) semble très efficace puisque utilisée depuis des siècles. en outre, ses couteaux étaient à la fois très durs et très résistants...mais sans nécessiter de revenu au four ou sur une brique chauffée au rouge.
Cependant, par sécurité je fais un revenu "général", au four electrique, deux fois une heure à 200°C.
Reste à faire le manche :
tout d'abord choisir un bois. On a pris du merisier.
On découpe des plaquettes
La scie japonaise est très dangereuse car : "quand 'tas essayé une fois, tu touches plus jamais aux scies égoïnes". je confirme.
Ce qui est sûr, c'est que si un jour je commande des plaquette prédécoupées et pré aplanies... ce sera dans une autre vie ! Je préfère couper faire des manches dans un bois que j'ai coupé moi même ou que je suis allé chercher chez des gens.
ensuite, on perce la semelle (couteau) et les plaquettes, on met des rivets provisoires, et on ponce.
J'ai horreur de poncer du bois.
Sans masque adapté, c'est le cancer des poumons.
C'est presque fini.
Une fois le manche fini et poncé à la main,
je colle les plaquettes avec de l'époxy, et je mets les clous qui serviront de rivet.
Quand on fait des couteaux bruts de forge, il faut que la semelle soit parfaitement plane. sinon, les plaquettes ne s'adaptent pas.
On met le couteau + manche entre deux planches de bois mou, pour bien plaquer le tout dans l'étau.
Puis, une fois collé, c'est le rivetage.
Dans l'idéal, il faut un tas (enclume) arrondi vers le haut et un marteau à rivet arrondi vers le bas :)
Il faut taper partout sur le rivet...Sauf au milieu.
le but est d'élargir le rivet à l'intérieur du bois, ce qui forcément écarte et maintient tout en place. Théoriquement même sans colle les plaquettes tiendraient.
De nos jours les rivets sont souvent simplement poncés à ras, sans martelage, alors que c'est justement le matage des rivets qui fait tenir.
Maintenant nettoyage de la lame au backstand, aiguisage grossier,
puis aiguisage final à la pierre arkansas, et enfin polisseuse ou cuir + pâte à polir.
et voilà, c'est terminé. On voit bien les "gros" rivets.
Je n'ai pas mesuré ce couteau mais il faisait environ 25-27cm.
sur cette photo on voit un peu la ligne de trempe, côté pointe, à environ 1cm du tranchant.
J'espère que ce tutoriel vous a plu ; je tenais à vous montrer toutes les étapes, car des visiteurs à la galerie croyaient que je prédécoupais la forme de la lame dans de l'acier déjà fin...
de nos jours, la notion "acier forgé" n'a plus aucun sens. Ou presque.
A bientot
vinh
bonjour
RépondreSupprimermerci pour ton blog et ce tres beau tuto
continue comme ca
levasseur
super blog!
RépondreSupprimeret le tuo est vraiment bien!
merci!
Merci beaucoup pour ce tutoriel !
RépondreSupprimerVoulant me lancer dans la forge, j'ai là pleins d'explications.
Encore Merci et bonne continuation.
Au plaisir. Merci
hello,
RépondreSupprimertant mieux si ça sert, c'est fait pour ! :)
bon entre temps, j'ai changé d'atelier!
vinh
Merci beaucoup pour ces infos précieuses pleines de bon sens et de concret, continues c'est beaux à voir!
RépondreSupprimerAllé, je vais allumer ma forge, tu m'a donné envie de couteller!
martellement, clément
cool, tant mieux !
RépondreSupprimerce post est vieux... j'ai fait qq progres depuis (heureusement) :)
je voulais faire de la forge j'ai tout le matosse mai pas explicitation et le seul coutelier de l’île ( réunion ) ne veut rien partager donc un grand merci !!! :)
RépondreSupprimerca ne m'étonne pas, je l'avais contacté à l'époque, mais bon ...pareil.
Supprimerles gens ont peur de "former des concurrents" ;))) moi je suis assez sûr de ce que je fais, pour ne pas craindre ça, et prendre des stagiaires.
(oui j'ai vécu 18 ans à la réunion)
;)
n'hésite pas à m'envoyer un mail pour tout conseil.
Bon ba reste plus qu'a s'y mettre, merci du tuto :)
RépondreSupprimerYo...si je ne m'abuse, je crois qu'il y a aussi un gars qui fait des couteaux à Saint Leu...Peut être qu'il peut aider non?
RépondreSupprimerNar'trouv!
Fred...
aider à ? en général, la plupart des couteliers qu'on a "rencontrés" n'aiment pas aider la "concurrence" (c'est leurs termes hein)
Supprimerbah moi qui ai voulu t'aidé tu m'a claqué la porte au nez . mais je comprend mieux pourquoi maintenant "encore moins sur mes plates-bandes" .. en gros TU as peur de la concurence . (meme si je suis pas concurent) .. pas sur qu'ong kin approuve ça . en tout cas la communauté viet francaise pas du tout juste pour te prevenir
RépondreSupprimertiens tiens t'es encore là toi? ;)
Supprimerbah, si on avait peur de la concurrence, on ferait pas de stages ni de tutos ni de visites.
mais parfois le courant passe pas, c'est la vie.
alors ciao !;)
lol ton courant est vite passé on s'est meme pas rencontré . quand t'as vu mes couteaux t'as pris peur et t'as fait comme les couteliers dont tu parles point barre . mais je suis le blog pour savoir de quoi je parle si on me demande encore . mais tu sais j'ai rien contre toi je suis deçu que pour une fois qu'un viet est coutelier en france il n'ai meme pas eu envie de rencontrer un autre viet coutelier (qui en plus avait envie de t'aider lol). moi c'est dans ma culture l'entraide et apparement c'est pas ton cas . donc oui ciao je te laisse tranquille. j'en ai fini avec toi .
RépondreSupprimerExcellent tutoriel. J'ai adoré !
RépondreSupprimerExcellent tutoriel. J'ai adoré ! Je dessine une bd où il y a justement un passage de forge, et tes photos sont très instructives :) Merci et bonne continuation. Sourya
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